Bouddhisme Ésotérique Japonais

Etude

Bouddhisme Ésotérique Japonais

De nombreux élèves, maîtres et enseignants occidentaux ignorent totalement l’existence d’un bouddhisme ésotérique au cœur du système Usui Reiki Ryōhō. L’ésotérisme authentique a bien du mal à se faire comprendre, d’autant que ce mot a pris dans l’esprit du public une connotation très péjorative. Au cœur du système Reiki, les maîtres-enseignants qui ignorent (volontairement ou non) cette réalité devraient se tourner vers l’Orient en général et vers le Japon en particulier, qui depuis des milliers d’années a développé au sein de ses religions deux systèmes de transmissions initiatiques. Fait intéressant, chacune des trois grandes religions monothéiste possède également son ésotérisme propre: le Judaïsme a sa Kabbale, le Catholicisme sa Gnose et l’Islam son Soufisme. Les deux systèmes peuvent être visualisés sous la forme d’un cercle représentant la religion dans son aspect exotérique avec en son centre un point représentant la partie secrète ou ésotérique.

Esotérique Vs Exotérique

Si la première doctrine est appelée exotérique, c’est parce qu’elle est diffusée intellectuellement au plus grand nombre et ne comporte que des règles matérielles et des recommandations psychologiques élémentaires telles que ne pas mentir ou ne pas tuer. De son côté, la doctrine ésotérique est transmise d’âme à âme, par le maître aux quelques – rares – disciples qui par un effort patient et une parfaite maîtrise de leur mental et de leurs sens, par une clarté de pensée, de parole et d’action et un constant esprit de débutant (Shoshin 初心), finissent par recevoir un enseignement de nature transcendantale, c’est-à-dire visant non pas à améliorer leur condition humaine, mais à la transmuer en vue d’une fusion définitive dans l’essence divine (le Soi-Véritable) dont tout homme est porteur. Cette technique de contemplation a toujours été réservée à quelques élus prêts à mourir au monde d’en bas pour renaître dans celui des Bouddhas. Comme il s’agit de pratiques qui peuvent s’avérer dangereuses pour l’équilibre mental, les connaissances ont été protégées et maintenues dans le plus grand secret, d’où cette notion d’ésotérisme – mot qui vient du grec esôterikos signifiant “intérieur” – afin de montrer que ce qui est recherché n’appartient pas au monde extérieur et des cinq sens, mais qu’il s’agit pour une âme en éveil de se reconnecter avec son intériorité et de réaliser la “Conscience du Soi” (lokasamvrti satya). La “Contemplation du Mystère Divin” – l’étape la plus élevée de l’ésotérisme – n’a rien de comparable avec la forme d’ésotérisme concernant le monde des pouvoirs et des énergies, mais se rapporte à l’aspect divin de la conscience, lequel est si sacré qu’il est inconcevable qu’il puisse être exposé sur la place publique.

Chine Vs Japon

Le bouddhisme japonais – bukkyō – fut importé de Chine et de Corée à partir des Ve et VIe siècles. En tant que courant du bouddhisme, l’ésotérisme s’est développé en Inde vers la fin du VIIe siècle, d’où il a été transmis en Chine au début du VIIIe siècle1Une autre branche donnera naissance au bouddhisme tibétain. Certains éléments du bouddhisme ésotérique étaient parvenus au Japon dès l’époque de Nara, mais la véritable transmission eut lieu au début de l’époque de Heian, grâce au moine Kūkai – et dans une moindre mesure de Saichō – qui allèrent tous deux étudier en Chine.

Dans le bouddhisme chinois, les deux écoles de la doctrine de Bouddha – l’ésotérique et l’exotérique – sont appelées respectivement Doctrine du “Cœur” et Doctrine de l’ “Œil”: la doctrine ésotérique – qui émane de l’âme et de l’Esprit – est celle du Cœur (Tsung-men), ainsi nommée parce que c’est la doctrine qui émana du cœur de Gautama Bouddha ; la doctrine exotérique – expression du mental et de l’intellect – est celle de Œil (Kiau-men), appelée ainsi car elle fut l’œuvre de sa tête ou de son cerveau.  La Doctrine du Cœur est aussi appelée le “sceau de vérité” (Sin Yin) ou le “vrai sceau”, un symbole qu’on trouve en tête de presque toutes les œuvres ésotériques. En occident, on le connait sous le nom (controversé et détourné de son symbolisme originel) de svastika.

Au Japon, la doctrine exotérique est plutôt l’expression des Six écoles de la Capitale du Sud (Nanto roku shū – bouddhisme Hīnayāna, qui fait lui-même partie du Mahāyāna), alors que la doctrine ésotérique est représenté par deux écoles : Tendai et Shingon. Au Japon, ces deux expressions/doctrines de la connaissance font parties intégrante du Taoïsme, du Shintoïsme et du Bouddhisme. 

Kūkai, fondateur de la secte Shingon, spécifiquement ésotérique, est à l’origine de l’ésotérisme Tōmitsu. On l’oppose au Taimitsu, l’ésotérisme du Tendai qui se développa surtout sous la direction des successeurs de Saichō qui allèrent eux aussi étudier en Chine, tout comme le firent également les moines qui succédèrent à Kūkai. Ces nombreux contacts avec la source même de l’ésotérisme permirent l’enrichissement de la doctrine et des rituels. L’ésotérisme japonais atteignit alors son apogée en ce début de l’époque de Heian qu’il marqua profondément. Son influence déborda largement le domaine strictement religieux ou doctrinal; on la retrouve dans l’art, le mode de transmission des savoirs, les pratiques populaires etc.

Dans le bouddhisme ésotérique, la connaissance est progressive, elle n’est dévoilée qu’au fur et à mesure des progrès de l’adepte dont les étapes sont marquées par des rites (kanjō). Ce mode de transmission progressive à un nombre restreint de personnes exerça une influence profonde et durable dans le domaine des sciences et des arts, où le sens ultime n’était révélé aux disciples qu’à la suite d’une longue préparation et où les “traditions secrètes” étaient jalousement gardées.

La croyance attribuée à l’efficacité des rites ésotériques eut une double conséquence. D’une part, toutes les pratiques populaires d’exorcisme ou de prières (kaji-kitō) furent peu ou prou influencées par les rites ésotériques quand elles n’en sont pas directement issues. D’autre part, l’abus du recours à ces pratiques proches de la magie et l’oubli de la doctrine qui les sous-tendaient, entraînèrent par réaction le renouveau du bouddhisme à l’époque de Kamakura.

Comme tous les courants religieux au Japon, l’ésotérisme ne tarda pas à se morceler en de multiples branches. Le Taimitsu se divisa en une dizaine de courants, alors que dans l’ésotérisme Tōmitsu du Shingon, on distingue 12 branches qui divergent sur des questions de rituel (jisō) et deux lignées qui s’opposent sur l’interprétation de la doctrine (une ancienne et une nouvelle).

Aymeric.G

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