Naikan, une méthode d’auto-réflexion

Développement Personnel

Naikan, une méthode d’auto-réflexion

Naïkan est une méthode de réflexion active révolutionnaire (bien que créée il y a plus de 50 ans) de guérison de l’âme, qui démontre que la sagesse Orientale est encore capable de se renouveler. Elle est à considérer à la fois comme une discipline spirituelle ET une technique psycho-thérapeutique. On le pratique pour résoudre un problème d’ordre psychosomatique, comme une méthode de développement personnel ou un chemin de croissance spirituelle. Il est avant tout une sagesse simple et profonde, capable de nous guider en toutes circonstances.

La pratique du Naïkan place votre conscience dans l’état de dénuement et de concentration qui permet de porter sur vous-même un regard neuf et régénérateur. Il ne s’agit pas de “pensée positive”, mais plutôt de “pensée vraie”: Naïkan aide à la libération définitive des schémas mentaux limitants qui déforment notre vision de la vie et nous empêchent d’en apprécier toute la richesse.

Naikan n’est pas une méditation, mais une réflexion: il s’agit de s’observer, comme dans un miroir. On gardera à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une réflexion intellectuelle, mais de l’observation de la réalité à l’aide de la mémoire. Véritable guérison par la gratitude, le Naïkan nous débarrasse de notre rôle de victime et des ressentiments qui empoisonnent notre âme. Nous prenons alors conscience de l’extraordinaire réseau d’amour qui fonde concrètement notre existence et nous commençons à vraiment apprécier la vie.

Qu’est ce que c’est ?

Naikan est un mot Japonais qui signifie “regard intérieur” ou “introspection”. Une traduction plus poétique pourrait-être: “se voir avec les yeux de l’esprit”. Il s’agit d’une méthode structurée d’auto-réflexion  qui nous aide à nous comprendre nous-même, à comprendre nos relations, ainsi que la nature fondamentale de l’existence humaine. Le Naikan a été développé par Yoshimoto Ishin, un dévot Bouddhiste japonais de l’école Jōdo shinshū (“École véritable de la Terre pure”). Sa forte croyance spirituelle le mena à pratiquer mishirabe, une méthode de méditation ardue et compliquée. Désirant rendre une telle introspection accessible à tous, il développa le Naikan en tant que méthode pouvant être plus largement pratiquée, essentiellement basée sur la concentration et le travail de la mémoire.

Dans le Naïkan, il n’y a pas de thérapeute et de patient. Il y a le guide et le pratiquant. Le guide, comme son nom l’indique, ne prétend pas détenir une technique particulière ; il est simplement au service de la quête intérieure du pratiquant. Ce dernier, lui, n’est pas considéré comme un malade (néanmoins, il se peut qu’il le soit), mais comme un homme en quête de lui-même.

“Il suffit que l’Homme qui cherche la solution par des questions extérieures, dirige son attention et se pose la seule vraie question intérieure de comment il devrait diriger sa vie, pour que toutes les questions extérieures trouvent leurs réponses de la meilleure des façons.” Léon Tolstoï

L’impact profond du Naikan sur la société Japonaise peut s’expliquer par le large spectre d’utilisation de cette technique. On recense aujourd’hui près de 40 centres au Japon et cette technique est utilisée en psychiatrie, dans le traitement des addictions, dans la réhabilitation des prisonniers, dans les écoles et dans les entreprises. Il commence à s’implanter en Europe, avec deux centres, en Autriche et en Allemagne.

Le Naikan élargit notre vision de la réalité. C’est comme si, debout en haut de la montagne, nous passions d’un zoom à un grand angle. Nous pouvons désormais apprécier le panorama dans son ensemble – notre ancienne perspective en faisant partie, mais accompagnée désormais par tout ce qui était caché. Ce qui en fait maintenant une vue extraordinaire.

De l’importance de l’auto-réflexion

La pratique de l’auto-réflexion remonte à plusieurs siècles et est enracinée dans les plus grandes traditions spirituelles du monde. Les premiers adhérents de telles pratiques sont les ermites chrétiens et les samouraïs japonais. Les participants plus contemporains sont Albert Schweitzer et Benjamin Franklin. Ce dernier en particulier, possédait une approche complète et systématique de l’auto-réflexion. Il avait développé une liste de 13 vertus et il évaluait chaque jour sa conduite par rapport à une vertus particulière. L’auto-réflexion quotidienne était un aspect fondamental de la vie de B.Franklin.

Les méthodes formelles d’auto-réflexion impliquent généralement certaines caractéristiques basiques. Primo, il y a la nécessité de temps, qui est exclusivement dédié à la pratique d’auto-réflexion. Secundo, l’utilisation de l’espace, de préférence isolé et donc limitant les distractions extérieures. Tertio, l’application de questions ou de structures qui nous aident à examiner nos vies en nous concentrant sur notre conduite vis-à-vis des autres, des créatures terrestres et des objets.

Sa structure utilise nos relations avec les autres comme miroir dans lequel nous pouvons nous voir. Nous reflétons ce que nous avons reçu des autres, ce que nous avons donné et quels problèmes nous avons causé. Une auto-réflexion véritable implique de nombreux aspects de notre vie – la présence de gratitude, nos relations avec nos êtres aimés, le degré de jugement vis à vis des erreurs des autres, notre santé mentale, nos choix de vie, nos croyances,…

Une vision sincère de nous-même n’est pas chose facile. Elle nécessite une attention sur ce qui n’a pas été réalisé. Elle implique une volonté de faire pleinement face à nos erreurs, nos échecs et nos faiblesses. Elle nous demande de reconnaître nos transgressions et nos actions ayant causé des difficultés aux autres. La quatrième étape (sur douze) du programme des Alcooliques Anonymes demande à “courageusement procéder à un minutieux inventaire moral de nous-mêmes”. La suggestion d’Albert Schweitzer était de “réaliser un décompte secret de ce que nous avons négligé par légèreté ou par désintérêt de l’existence des autres”. Une telle auto-réflexion ne laisse que peu de place pour blâmer les autres ou se plaindre de la manière dont nous avons été traités.

En tant qu’êtres humains, nous possédons le désir sincère de nous connaître nous-même et de trouver un sens à nos vies. Et nous avons la capacité de le faire. Nous sommes peut-être les seules créatures de l’univers capables de réfléchir sur elles-mêmes. Nous pouvons observer nos propres pensées et sentiments ; nous pouvons nous rappeler des actions et des événements du passé comme si nous nous observions dans un miroir. Cette capacité à l’auto-réflexion est la clé de notre liberté…tout en étant dans le même temps la racine de notre souffrance.

Embarquons donc dans un voyage d’auto-réflexion. Durant ce voyage, nous détruirons les faux mythes, nous nous battrons contre des dragons égocentriques, serons embourbés dans des mares de fierté, nagerons dans des étangs sereins de gratitude, et serons coincés dans les sables mouvants de l’égoïsme. Et au fur et à mesure de notre voyage, nous découvrirons que le chemin, la capacité et même le désir du voyage sont eux-même des cadeaux.

Comment pratiquer ?

Les Trois Question

Le principe de base du Naïkan est excessivement simple. II s’agit d’examiner sincèrement sa propre vie, en se concentrant sur trois questions :

Qu’ais-je reçu de __________ ?

Qu’ais-je donné à __________ ?

Quels problèmes et difficultés ais-je causé __________ ?

Ces trois questions, examinées avec méthode et concentration, recèlent les clés d’une grande libération et posent une base pour réfléchir sur nos relations avec les autres (nos parents, nos amis, nos enseignants, nos frères & sœurs, nos collègues, nos enfants, nos partenaires/concubins, etc.) Nous pouvons réfléchir à nos relations avec les animaux, voire même les objets dont l’on se sert comme les voitures, les pianos… Dans chaque cas, on recherche une vision plus réaliste de notre conduite, ainsi que de l’échange qui a eu lieu dans la relation.

En examinant notre relation à l’Autre, on commence par regarder ce que nous avons reçu de cette personne. Mon mari m’a préparé un jus de fruits frais ce matin. Un collègue m’a envoyé une jolie calligraphie. Mon voisin de file à la banque m’a donné le nom d’une application mobile très pratique. Voilà quelques descriptions de la réalité, simples et claires. L’attitude ou la motivation de l’autre personne ne change rien au fait que j’ai bénéficié de son effort. Nous prenons souvent ce type d’action pour acquise. Nous traversons nos jours sans prêter attention à toutes ces “petites” choses que nous recevons. Mais ces choses sont-elles vraiment ‘petites’ ? Elles en ont s’apparence car nous sommes dans le mouvement et que notre attention est ailleurs.Mais lorsque nous n’avons plus d’essence ou lorsque nous perdons nos lunettes, ces petites choses attirent notre attention et nous réalisons soudainement leur importance véritable. En listant ce que nous recevons de l’Autre, nous sommes enracinés dans la simple réalité de combien nous sommes soutenus et combien l’on tient à nous. Dans bien des cas, nous pourrions être surpris de la longueur et de l’importance d’une telle liste ; ainsi stimulé, un sens profond de la gratitude et d’appréciation en résulterait naturellement. Sans un changement conscient de l’attention envers la myriade de façons dont le monde nous soutient, on risque de bloquer notre attention uniquement sur les problèmes et les obstacles, nous poussant à nous apitoyer et à souffrir inutilement.

Puis, nous nous penchons sur l’autre dimension de l’équation. Qu’ais-je donné à l’Autre? Yoshimoto était un homme d’affaires. Chaque mois, il devait envoyer les factures à ses clients et il recevait de la même manière les siennes de la part de ses fournisseurs. Voici combien de produits ont été envoyés, contre quel montant d’argent. Nous recevons la même chose de notre banque à travers nos relevés bancaires. Nous pouvons ainsi, au centime près, connaitre notre solde. Si nous prenons les efforts des autres pour acquis, nous vivons comme si nous “avions droit” à de tels efforts.

“Cent fois par jour, je me rappelle que ma vie intérieure et extérieure dépendra des travaux d’autres hommes, vivants et morts, et que je dois m’employer pour donner dans la même mesure comme je l’ai reçu et reçois encore.” Albert Einstein

Si nous en voulons aux autres lorsque ces derniers ne répondent pas à nos attentes, nous vivons comme si nous méritions tout ce que nous voulions. En nous réfléchissant sur nos relations, les unes après les autres, nous commençons à voir la réalité de notre vie. Qu’est ce qui est le plus approprié: traverser la vie avec la mission de collecter ce qui nous appartient, ou traverser la vie en tentant de payer notre dette envers autrui ? Même si vous pensez connaître la réponse, vous n’avez pas encore découvert la réponse. Nuance.

La troisième et dernière question est la moins aisée de toutes. Nous sommes généralement conscient de manière dont les autres nous causent inconvénients et difficultés: quelqu’un vous à dépassé alors que vous faisiez la queue, ou alors la personne devant vous à la Poste doit envoyer plusieurs paquets et vous devez vous armer de patience. Nous avons une grande compétence pour remarquer ce type d’incident. Mais lorsque nous sommes nous-même source de problèmes ou d’inconvénients, nous ne le remarquons souvent pas. Ou si nous le faisons nous nous disons “c’était un accident” ou “je ne le pensais pas”, ou plus simplement, nous nous le pardonnons avec un simple “c’est pas grave, il n’y a pas mort d’homme”. Mais cette question est véritablement importante. Yoshimoto suggérait que lorsque l’on se reflète, il faut passer au moins 60% du temps à considérer comment nous avons perturbés les Autres. Ses mots se font l’écho des vies de Franklin et Schweitzer. Si nous ne sommes pas prêts à voir et à accepter ces événements pour lesquels nous avons été source de souffrance, alors il nous est impossible de nous connaitre nous-même ou la grâce par laquelle nous vivons.

Les types de réflexion Naikan :

  • Naikan Quotidien (Nichijo Naikan) La plus simple des méthodes de réflexion du Naikan, qui demande 20-30 minutes avant d’aller au lit. Asseyez vous dans un endroit calme, sans distraction. Sur un papier, écrivez vos réponses aux trois questions en relation aux événements de la journée. Qu’avez vous reçu des autres aujourd’hui? Qu’avez vous donné aux autres aujourd’hui? Quels problèmes et/ou difficultés avez vous causé aux autres aujourd’hui? Il est important d’être précis et spécifique, plutôt que général et vague. Par exemple, plutôt que de dire que l’on vous a offert un panier gourmand, préciser ce que contenait ce même panier (pâtés? soupes? biscuits? vins?) N’écartez rien de votre liste car vous le considérez comme “trivial” ou parce que vous le recevez tous les jours ; il est très important de noter et de lister de telles choses.
  • Naikan sur une Personne C’est la méthode traditionnelle de base du Naikan, dans laquelle on examine nos vies en réfléchissant sur nos relations avec les autres. Généralement, la période de réflexion conseillée est de 50 à 60 minutes. Pour chaque heure de réflexion, on examine ses relations durant un moment spécifique. On procède habituellement de manière chronologique, en commençant le premier jour de notre rencontre avec la personne. La période examinée peut être d’une semaine ou de plusieurs années, suivant le temps depuis lequel nous connaissons cette personne.Par exemple, disons qu’une femme est mariée depuis 15 ans et qu’elle a commencée à fréquenter son mari 3 ans avant de se marier. Dans ce cas, elle peut d’abord réfléchir sur la période pré-mariage. Par la suite, elle examinera son mariage par incrément de 2-3 ans, jusqu’à la date actuelle. En tant que pratique continuelle, elle pourra réfléchir son mariage à la fin de chaque mois. Elle continuera de pratiquer la réflexion durant une période de 50-60 minutes et appliquera les questions de base du Naikan à sa relation, indépendamment du fait qu’elle examine le dernier mois ou les trois premières années de leur rencontre. Tous les autres genres de relation peuvent être examinés de la même manière par période de trois ans (sauf si la relation est inférieure à ce laps de temps bien évidemment)Il est également possible d’identifier une période particulière – une période considérée comme inspirante ou difficile – et procéder à Naikan sur votre expérience durant cette période.
  • La Retraite Naikan (Shuchu Naikan) Imaginez que vous puissiez partir une semaine dans une petite maison dans la montagne. L’endroit est calme et isolé. Tout ce dont vous avez besoin vous est fourni. Vos repas sont apportés dans votre chambre. Votre linge et votre vaisselle sont nettoyés. Vous êtes réveillés chaque matin tôt et une cloche vous préviens le soir qu’il est l’heure de dormir. Il n’y a ni coups de téléphone, ni facture au courrier. Il n’y a pas de bruit de fond, ni de discussion. Simplement le silence, un endroit ou s’asseoir et un écran à regarder. Et sur cet écran, l’histoire de votre vie. Elle est basée sur un script, mais pas celui révisé et édité avec lequel vous êtes venu. Non, ceci est la bobine originale de la réalité – ce qui s’est réellement passé. Rien d’autre à faire chaque jour que de regarder ce film. Qu’apprendrez vous de vous même ? Qu’apprendrez vous de votre vie? A la fin de la semaine, lorsque vous rentrerez chez vous, rempli d’un savoir plus important sur comment vous avez vécu, comment vivrez vous ?Ceci est la nature même de la retraite Naikan. Nous réfléchissons actuellement à la possibilité de mettre en place de telles retraites, ouvertes à toutes les personnes ayant un intérêt sincère dans l’auto-réflexion. Les retraites sont généralement réalisées de la même manière qu’au Japon – inclination, écrans en papier de riz (shoji), et utilisation de coussins de méditation. Comme mentionné précédemment dans la méthode, les même trois questions du Naikan sont utilisées comme base quotidienne pour la réflexion de sa vie. Mais contrairement à ces autres options, il n’est nullement besoin d’écrire car sa réflexion personnelle est ici basée sur une plus grande qualité méditative. Pour beaucoup, ces retraites sont des expériences profondes, mais elles dépendent beaucoup de l’effort et de la sincérité de chacun.

Les guides japonais de Naïkan se gardent bien de spéculer sur les mécanismes psychologiques qui font que “ça marche”. On constate simplement le pouvoir guérisseur de cette méthode, sans chercher à se l’approprier en le forçant dans un schéma théorique. Ce désintérêt pour les concepts abstraits et théoriques émane peut-être de l’esprit du bouddhisme japonais. Vous pouvez le ressentir comme un signe d’humilité véritable, rafraîchissant pour les Occidentaux intellectuellement arrogant tels quel nous. Le fait que le Naïkan soit entièrement orienté vers la pratique et libre de tout cadre théorique est ce qui le rend véritablement universel. Il peut ainsi s’intégrer à toutes les cultures et toutes les croyances (et non-croyances) religieuses.

Aymeric.G

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